On a tous vu ces tout-petits avec les joues en feu, ces enfants qui se grattent éperdument les plis des bras. Selon la Société française de Dermatologie, 20% des enfants de moins de 7 ans et 15% des nourrissons dès 3 mois (1) sont atteints de Dermatite Atopique, qui fait souffrir toute la famille. Elle se prolonge souvent à l’âge adulte et touche environ 4% (2) de la population française. Le souci : en 30 ans, le nombre de cas a triplé (3) !
Qu’est-ce que c’est, la dermatite atopique ?
Selon sa “définition officielle“(4), la dermatite atopique – qu’on appelle aussi eczéma atopique - est une maladie inflammatoire chronique de la peau due à une anomalie de la réponse immunitaire et une déficience de la barrière cutanée.
Ses symptômes : une sécheresse cutanée, des rougeurs et des lésions inflammatoires. Cette inflammation entraîne des démangeaisons qui provoquent des lésions de grattage et parfois des surinfections. Elle évolue par poussées, et est plus ou moins sévère (l’échelle utilisée en France est le SCORAD, ou Scoring atopic dermatitis)
Pourquoi ? Une peau saine constitue une barrière de défense contre les agents extérieurs. Mais une peau atteinte de dermatite atopique est comme une muraille percée, qui laisse passer les attaquants (les agents pathogènes) et fuir ses défenseurs (son hydratation).
Qu’est ce qui la provoque ? Il existe à la fois un facteur génétique (entre 50 et 70% des individus atteints ont un parent qui l’est aussi. Si les deux parents sont atteints, le risque atteint 80%(5) ), un facteur immunitaire (une sensibilisation accrue à certains pathogènes) et un facteur environnemental (dont la pollution).
Docteur, expliquez-nous l’atopie :
Témoignage de Mathilde, qui a une peau atopique depuis l'enfance :
Un fort impact sur la qualité de vie :
La dermatite atopique peut être dure à vivre.
Chez les plus petits, les démangeaisons, qui persistent la nuit, peuvent gâcher son sommeil et sa vie, et par ricochet ceux de toute une famille. Sans compter le désarroi et la culpabilité de parents qui voient leur enfant souffrir sans parvenir à le calmer.
Chez les enfants et les adolescents, les signes visibles peuvent engendrer des moqueries et entraîner des troubles psychologiques.
Et chez les adultes, des études ont montré que ceux-ci développent des troubles du sommeil qui entraînent une fatigue persistante (6), d’où des difficultés dans la vie professionnelle (concentration, efficacité), une baisse de l’estime de soi (surtout chez les femmes atteintes d’eczéma sur les paupières), et même de l’anxiété voire de la dépression. Un vrai cercle vicieux !
Quelles autres solutions que les médicaments :
• Les crèmes émollientes, O-bli-ga-toires !
“Le meilleur traitement des peaux atopiques reste l’application quotidienne d’un émollient“, dit le Pr Tennstedt. En effet, il a été clairement montré lors d’études (7) que leur utilisation sur le long terme apporte non seulement un effet bénéfique sur la sécheresse cutanée, mais permet aussi d’espacer les poussées et donc d’avoir moins souvent recours aux dermocorticoïdes. Ils doivent contenir une forte concentration d’actifs nourrissants (huiles et beurres végétaux), des actifs apaisants (niacinamide, madécassoside, bisabolol…), voire des ingrédients anti-bactériens pour éviter la prolifération du Staphylococcus Aureus.
Le souci : il faut éduquer dès leur plus jeune âge les enfants à non seulement accepter de se laisser enduire de crème tous les jours sans rechigner, mais aussi plus tard à le faire seul de façon assidue ! C’est toute une éducation que doivent entreprendre les dermatologues. Il existe d’ailleurs au sein de services hospitaliers des programmes d’Education Thérapeutique pour apprendre à bien se prendre en charge.
• Les Cures thermales
Prescrites par un médecin et remboursées par l’Assurance maladie, les cures thermales de 3 semaines ont montré leur efficacité sur des pathologies comme l’atopie. Outre des soins hydrothermaux généraux (bains, douches, massages) et des soins locaux quotidiens, c’est un lieu d'éducation thérapeutique et d'échange. Elle permet au patient de soulager ses symptômes et d'acquérir davantage d'autonomie dans la gestion de sa pathologie. Une dizaine de stations thermales françaises sont indiquées pour la dermatologie
• La Photothérapie
Chez les adolescents et adultes pour qui les traitements habituels restent un échec, une photothérapie UVB, ou associant UVA et UVB peut engendrer une amélioration. Mais attention ! 20 et 25 séances à raison de 3 (parfois 2) séances par semaine sont nécessaires ! Et ce sont des traitements médicaux réalisés uniquement chez et sous le contrôle du dermatologue.
Les bons gestes :
• Une toilette en douceur : avec des huiles lavantes ou des pains dermatologiques sans savon
• Pas de bains chauds et longs, qui augmentent la perméabilité de la peau. On leur préfère une douche tiède de 5 minutes
• En sortant de la douche ou après s’être lavé les mains, on tamponne la peau avec la serviette, on ne la frotte surtout pas. Elle est déjà assez fragilisée !
• A apprendre aux plus petits : lors de poussées, on ne se gratte pas avec les ongles, trop agressifs et potentiellement porteurs de germes, mais avec la paume ou le dos de la main
• Des formules cosmétiques épurées : pas de produits cosmétiques parfumés, avec des conservateurs potentiellement irritants ou allergisants.
• On évite tous les produits domestiques et meubles contenant des composés organiques volatils (COV) : matériaux de construction, de décoration, d’isolation, peintures, diluants, colles et vernis, mais aussi les agents de nettoyage, les désodorisants, les détachants, les insecticides et les détartrants. Pas toujours facile
• Pour les vêtements, on privilégie les coupes amples afin de limiter les frottements sur la peau, et le coton, le lin ou la soie plutôt que la laine
Le microbiote cutané, voie d’avenir ?
On sait depuis longtemps que le staphylocoque doré – Staphylococcus Aureus - a un rôle déterminant dans l’eczéma atopique. Mais la meilleure connaissance de ce qu’on appelait autrefois la flore cutanée a montré que la diversité et l’équilibre entre les micro-organismes qui composent le microbiote empêchent la colonisation par des espèces agressives et participent aux défenses du système immunitaire cutané. Depuis 2012 il est reconnu(8) que l’eczéma est associé à un fort déséquilibre de ce microbiote où le Staphylococcus Aureus devient prédominant. Il se fixe sur la peau et crée un bouclier qui contribue à amplifier les poussées d’eczéma, la sécheresse et les démangeaisons. Si les corticoïdes restent le traitement de référence, on découvre l’intérêt de créer des émollients enrichis en actifs (pré et postbiotiques) qui permettent de rééquilibrer le microbiote, de réduire le facteur inflammatoire et d’empêcher le staphylocoque doré de s’installer.
(1) ISAAC (International Study of Asthma and Allergies in Childhood) (2) Etude Epi-Aware (Epidemiology of Adults Patients With Atopic Dermatitis). Sanofi Genzyme & Regeneron 2016, PGA (Patient Global Assessment) (3) Dermatite atopique : épidémiologie en France, définitions, histoire naturelle, association aux autres manifestations atopiques, scores de gravité, qualité de vie. E. Mahé. Ann. Dermatol. Venereol. 2005 ; 132 (4) http://allergo.lyon.inserm.fr/2019_DESC/8.Eczema.pdf (5) https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/dermatite-atopique-eczema-atopique (6) Patient burden of moderate to severe atopic dermatitis (AD), Simpson EL et al. J Am Acad Dermatol 2016 Mar;74(3):491–498. (7) Wollenberg A, Barbarot S, Bieber T et al. Consensus-based European guidelines for treatment of atopic eczema (atopic derma-titis) in adults and children: part I. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2018 May;32(5):657-682. doi: 10.1111/jdv.14891. (8) Temporal shifts in the skin microbiome associated with disease flares and treatment in children with atopic dermatitis, Kong & al, Genome Research, 2012